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Mon poids , Mon combat


J’ai reçu de nombreuses questions par rapport à mon opération prochaine. Donc il est temps pour moi d’en parler …

Depuis 32 ans, je combats une maladie qui s’appelle l’obésité…

Une maladie ? oui je te vois derrière ton tel te poser cette question.

Tu te dis certainement que ce n’est pas une maladie et je te comprends car je pensais la même chose. J’ai comme toi pensé toute ma vie que mon poids qui a très souvent fluctué était « juste » un problème lié à moi et mon alimentation. Parce qu’on m’a toujours inculqué et montré que je n’étais pas dans la norme.

J’ai eu parmi les questions anonymes, pourquoi tu ne fais pas un régime ou du sport ?



Alors je te réponds simplement, du sport j’en ai toujours fait et j’adorais ça. J’ai pratiqué le tennis dans mon enfance et adolescence mais je souffrais tellement du regard des autres pendant les compétitions que j’ai fait en sorte que mes parents me désinscrivent.

Depuis mes 6 ans et jusqu’à mes 32 ans je n’ai pas cessé de faire de la danse, pratique qui m’anime. J’ai même au cours de mon adolescence et ma vie de jeune femme, était a quasi 20h de danse par semaine et dans 3 écoles de danse différentes. Je suis complètement habitée par la musique et le mouvement, mais ça n’a pas suffi à combattre cette maladie. Je dirai même que ça y a contribué. Car pour rentrer dans des costumes qui ne sont pas adaptés à toi, pour que ton professeur de danse te regarde une fois normalement et non avec dégout et une tête soulée de te voir pas comme les élèves de rêves, pour ne pas faire honte à tes parents, lors des galas et des concours, du poids j’en ai perdu et souvent. Avant chaque gala, avant chaque concours je perdais un peu et je reprenais toujours plus que ce que j’avais perdu.


Des régimes j’en ai fait un bon nombre, quasiment toutes mon adolescence d’ailleurs. Dont 2 très drastiques qui m’ont permis oh oui de perdre, mais ensuite mon corps a repris le double. Ses innombrables yoyo de balances m’ont conduit à arriver au poids de 98kg quand j’ai eu 20 ans.

Et comme il n’est pas normal dans ma famille, notamment coté maternelle d’être gros, et après plein d’échec de régime, je me suis rendu dans un centre pour obèses. Là-bas, ils m’ont gentiment demandé de rentrer chez moi puisque je n’apprenais rien sur le plan diététique (oui j’étais avec des gros qui découvraient que le coca fait grossir même s’il est light…), ni sur le plan du sport (au vu du nombre d’heures de pratique) et m’ont dit que mon problème était dans la tête et non dans mon corps et que je n’étais « pas assez grosse » pour prétendre à une opération.

Une phrase maladroite d’une diététicienne qui m’a dit « en gros quand vous mangez une part de pizza, vous culpabilisez tellement que vous prenez autant de poids que si vous aviez mangé la pizza entièrement, vous êtes jeunes, vivez, profitez, acceptez d’être ronde et ça se débloquera »

Maintenant avec le recul et le parcours que je fais depuis 8 mois, oui je comprends cette phrase.

Mais au moment de recevoir cette phrase, à tout juste 20 ans j’ai pas compris, et j’ai donc mangé la pizza entière, fait la fête, découvert toutes les nourritures que j’avais toujours été interdites et frustrées de ne jamais manger (fast food, apéro etc). Pendant 5 ans, j’avoue j’ai PRO FI TE !!!

Oui et après ? Etonnamment, pendant cette période de grosse déconnade alimentaire je n’ai pris « que » 10kg. C’était complètement dingue d’ailleurs car 20 ans de régime j’étais à 98kg et là 5 ans d’errance et je ne prends que 10k. Le ratio n’était pas bon.


Ensuite, alors que je m’installais durablement dans ma relation de couple, que j’envisageais de me reprendre en main, je finissais mes études pour lesquelles j’avais hardemment travaillé pour être reçue dans cette spécialité de master 2, la vie bascule pour moi. Je vis un drame familiale dont je parlerais peut être prochainement, qui ne me fait absolument plus voir la vie pareil. Tout mon référentiel change.

Et mon rapport au poids dans tout ça ?

Cette période-là, me montre que même une personne en superbe santé, qui fait absolument attention à son alimentation et est super sportive, peut partir d’une maladie, qui attaque ton corps jusqu’à le faire disparaitre.


A moi, Manon , qui sait que son obésité à des risques pour sa santé, se rend compte que même quelqu’un en bonne santé peut être emportée par la maladie. Alors là, je vrille, à quoi bon essayé de maigrir, de me priver encore et encore, j’ai beau faire attention le chiffre ne descend pas ou de quelques grammes malgré des semaines d’efforts, pour au final finir malgré tout comme ça ?

Je pense avec le recul que je me suis juste mise en survie, car mon intention à ce moment-là est de protéger mes proches, notamment ma mère, alors à quoi bon de toutes façons je vais mourir donc autant PRO FI TER de la vie, le temps qu’il me reste, puisque ce temps est compté. Ça n’a peut être pas de logique pour vous, mais à ce moment là ça en a pour moi.


2 ans plus tard, alors que nous tentons tous de nous reconstruire après ce tsunami (oui parce qu’on a cumulé la perte des proches après cet évènement…), mon mari qui me parle d’un projet d’enfant depuis déjà quelques années et pour lequel je n’étais pas prête, me propose pour me reconstruire moi qui me sent « sans famille », de construire la notre. J’accepte ce projet, qui mettra 2 ans à aboutir… 2 ans pendant lesquels j’entends que si la grossesse ne vient pas c’est à cause de mon poids, que quand je perds une trompe au moment de ma GEU l’hémorragie à forcément un lien avec mon poids….


Comment te dire que quand tu as un certain poids, et que tu rajoute 2 grossesses rapprochées, ça n’aide pas. Mais mon corps, malgré tout ce que je le déteste, me permet de mettre au monde les deux amours de ma vie, les sources de cette opération prochaine d’ailleurs.

Un jour pendant ma première grossesse alors que je ne voulais pas allaiter par choix pour plein de raison, ma mère me glisse « il parait que quand tu allaites tu maigris ». Comment te dire, j’ai finalement allaité mes deux enfants (pas pour cette raison-là évidemment), et ben je n’ai absolument pas perdu de poids au contraire j’avais la dalle en permanence plus qu’enceinte…

Bref je t’épargne un certain nombre de détails sur ma prise de poids, mais elle est belle et bien là et elle ne part pas. Etonnamment, je me sens femme depuis que je suis devenue mère et je suis assez à l’aise avec mon image à ce moment-là. Clairement mon corps est fait pour accoucher donc il n’est pas programmé que pour ma mort future, il est aussi programmé pour donner la vie.

Et c’est cette vie, qui va tout faire basculer et remettre en question.


Mes enfants commencent à grandir et sont très actifs, et j’ai du mal à justifier le fait de répondre à un « maman on peut faire l’accrobranche ensemble » « ou un maman tu fais le trampoline avec nous » « tu viens dans notre cabane avec nous », …. « NON MAMAN NE PEUT PAS »…

Il est impossible pour moi de répondre ça a mes enfants, qui eux ne me voient pas comme une grosse mais comme leur maman qu’ils aiment avec leurs yeux d’enfants, ils ne comprennent pas pourquoi maman, ne peut pas faire comme papa.


D’ailleurs mon mari, lui non plus ne comprend pas. Il ne comprend pas que physiquement, je ne peux plus faire autant qu’avant et autant que lui. Il ne comprend pas pourquoi j’attends souvet le dimanche qu’il soit là pour faire des activités spécifiques avec les enfants, pourquoi je me prive de faire ce que j’ai envie.


Parce que je l’aime je ne lui montre pas mes limites, je préfère inventer des mensonges plutôt que de dire « je n’y arrive pas, je ne peux pas ».

Forcément, j’ai compris depuis toujours en fait, qu’il y a un problème en moi.

Pourquoi quoi que je fasse, je perds difficilement du poids, mais j’en perds car j’ai une volonté de dingue, et surtout pourquoi ce poids je le prends, et le reprends.


En Juin 2022, à la répétition de mon gala de danse de hip hop, une copine de mon ancien groupe de jazz, (que j’ai dû quitter entre autre parce que je n’arrivais plus à faire des sauts, et les choses au sol etc) est transformée. Je ne l’avais pas vu depuis quelques temps et je suis étonnée. Mon premier reflex puisque j’ai vu que certaines maladies comme le cancer, qui a fait énormément maigrir mes proches avant leur décès, est de me demander si cette amie n’est pas malade. Mais quel reflexe à la con ? Vraiment une personne maigrie et je m’inquiète direct de savoir si elle est malade. Non, on m’apprend qu’elle a fait une opération bariatrique.

Je sais ce que c’est une opération bariatrique puisque ma sœur en a fait une il y a quelques années. J’étais très jeune quand elle l’a fait et effectivement sa vie a changé, mais j’ai toujours pensé que MOI, Manon je n’en aurais pas besoin. Je suis de nature sportive, j’ai juste à me remettre à fond et manger des légumes (ben oui puisque mon mari est maraicher c’est facile).

Et là je vois sur scène, cette copine de Jazz clairement s’éclater, elle est libre de ses mouvements, elle peut se jeter au sol et faire un grand jeté d’affilé sans être essoufflée. Je rêve secrètement de revivre cette sensation un jour, de la scène, d’être libre, de ne pas souffrir et de ne pas avoir peur de se faire mal. Ce jour-là, je fais aussi mon gala, mais moi c’est le hip hop qui me demande moins d’effort, mais même si j’adore ce moment avec mon crew de copines, je sais que ce n’est pas ma discipline de cœur, et que cette chorée de jazz sur la chanson « Mesdames » de grand corps malade que j’aime tant, j’aurai voulu moi aussi y être.


Les mois passent et ça reste dans un coin de ma tête, ça commence doucement à cheminer.


Un soir alors que je me rends à mon émission de radio, j’ai dans ma voiture une Brigadière que j’aime beaucoup, qui me parle de son parcours de sleeve, du parcours de son couple autour de ça. Et ce soir-là, alors que je sais depuis le début de son accompagnement avec moi qu’elle a fait cette opération, là je l’a questionne davantage, et lui parle de mes peurs. Elle me conseille un centre spécialisé sur Toulon et me dit qu’elle sera là pour me soutenir.


A ce moment-là, ça chemine tout doucement mais je ne suis pas encore prête. Nous avons envie d’un autre enfant donc je ne vais pas faire « tout ça » pour prendre le risque de regrossir pour une grossesse, ou des risques de carences importantes pour moi et le bébé si je suis opérée. Je ne suis pas prête donc je garde secrètement encore, ça dans un coin.


Un jour alors que nous marchons avec mes deux enfants cet hiver, Maxence qui n’avait pas encore 2 ans, échappe de ma vigilance et se mets à courir.

Je lui cours après pour le récupérer avant qu’il arrive sur la route. Mais il a trop d’avance et j’arrive difficilement à le rattraper. Je le vois se rapprocher de la route et je me demande si j’arriverais à temps. Son grand frère, du haut à l’époque de ces 3 ans 3/4, se mets à courir lui aussi, me dépasse et attrape son frère à temps. Ce jour-là, il sauve son frère, mais ce jour-là, mes enfants me sauvent aussi…

Ce jour-là, alors que mon cœur tape dans mes tempes tellement je suis essoufflée, je m’effondre en larmes en les prenant dans mes bras. Ce jour-là, je prends en pleine face la claque de ma vie, j’ai mis mes deux enfants en danger, parce que moi leur mère qui doit assurer leur sécurité, n’est PAS CAPABLE DE …


Je monte les enfants dans la voiture et les attaches. Et je me connecte sur doctolib sans réfléchir et prends rendez-vous au CCO de Toulon (Centre chirurgical de l’obésité). A ce moment-là, je ne veux pas forcément me faire opérer, mais je veux comprendre pourquoi j’ai ce poids et qu’on m’accompagne à le perdre. Et s’en suive des batteries d’examen, je pense en 8 mois que j’ai vu tous les types de spécialistes possible et fait tous les examens médicaux existants. Et lors d’un rendez-vous avec mon chirurgien, je prends une nouvelle claque dans la gueule quand je me confie et lui avoue « j’ai toujours pensé que j’y arriverais seule mais j’ai besoin de votre aide ». Il me dit avec son petit accent italien.


« Vous avez une maladie chronique qui est l’obésité madame ! ce sera le combat de votre vie ! le poids vous pouvez le perdre car vous avez la volonté et les capacités physique, mais il risquera toujours de revenir. C’est injuste mais c’est comme ça. Ce n’est pas chez vous un problème de malbouffe, de sédentarité ou de flemme, c’est une MA LA DIE chronique ! »

Là il voit mon regard dubitatif car je suis encore dans ce qu’il est inscrit dans mon cerveau :

gros = flemmard + malbouffe


Il continue son explication qui ne pouvait plus me faire réfléchir que ça :

« c’est comme la maladie du cancer, certaines ont des cancers parce que c’est le résultat de tabac, alcool etc, et d’autres qui ont une super hygiène de vie, ont un jour un cancer, ça leur tombe dessus et c’est pas de leur faute….

Ben vous c’est pareil ce n’est pas de votre faute, c’est dans votre ADN d’être obèse et vous lutterez toute votre vie …. Malheureusement il n’y a pas de chimiothérapie pour les obèses…. Le seul traitement possible c’est l’opération bariatrique mais ce n’est que le starter pour recommencer une nouvelle vie mais ça en vous guérira pas de votre maladie chronique, il vous permettra seulement de rallonger votre espérance de vie »


Comment te dire que sans le savoir avec cet exemple, le chirurgien venait d’appuyer sur toutes mes blessures, toutes mes peurs, et tout mon vécu de ces dix dernières années.

Maintenant que je suis maman, il m’est inconcevable de me mettre moi-même en danger et de me faire mourir parce que j’ai compris après dans ces 8 mois de travail thérapeutique en parallèle du suivi médical, que je n’ai pas de problème médical, diététique, ou sportif, le problème il est dans ma tête.


Un jour une thérapeute que j’aime beaucoup m’a dit entre autre « en fait tu te puni toi d’être en Vie par loyauté pour ton frère, donc ta conduite liée à ton poids c’est comme un suicide à petit feu… ». Je lui ai d’abord dit qu’elle était folle et après j’ai réfléchi…

Ces 8 mois m’ont permis de prendre la décision de faire cette opération. Je l’ai préparé sur le plan physique, alimentaire et sportif mais surtout surtout sur le plan thérapeutique. J’ai fait un travail énorme d’introspection, mais j’ai eu la chance, en tant que thérapeute moi-même d’être entourée de collègues et amies merveilleuses et généreuses, qui m’ont accompagné point par point à déconstruire mes dernières croyances limitantes, à travailler sur ma peur et mon rapport à la mort et aux deuils non terminés.


J’ai la chance également, d’être soutenu par bon nombre de mes brigadières, qui m’ont indiqué, « pour tout ce que tu as fait pour nous, pour nos cheminements, on a envie de te soutenir dans ton projet ». Et souvent elles me donnent une force incroyable tant leur reconnaissance est à la hauteur de mon investissement auprès d’elles.

J’ai la chance également, d’avoir la famille que j’ai, les parents qui bien qu’inquiets ne m’ont pas jugé sur mon choix, d’avoir mon mari qui me soutien même si je vois bien dans ces yeux que l’inquiétude est là, du après….



Et ceux qui me donnent bien sûr cette force et ce courage, ce sont mes fils LOUIS et MAXENCE. C’est parce que j’ai envie de les voir grandir, de jouer avec eux, de les emmener dans les parcs d’attractions et les trampolines qu’ils veulent, sans les censurer parce que maman ne peut pas suivre. J’ai envie de jouer avec eux au foot ou faire du vélo avec eux sans prendre sur moi dans mes douleurs. J’ai juste envie de KI FFER…

Alors même si parmi les gens autour de moi certains ne comprennent pas ou me jugent, je vous le dis clairement : JE M’EN FOU !

Je veux vivre ! et si je dois en passer par là pour être en vie le plus longtemps possible c’est MON choix


Et comme le dit mon amie « l’avis des autres c’est La vie des autres ».


Merci pour ceux et celles qui m’ont lu jusqu’au bout … Je sais que c’était très long….


Merci à vous

Merci à mes proches,

Merc i à mes amis,

Merci à ma famille,

Merci à ma Brigade

Merci la vie

Merci à moi pour ma force,

mon courage et ma détermination



Crédit photo: Céline Machy photographe

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